Histoire

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Le château de Fougères-sur-Bièvre, refuge de l’art en temps de guerre

Saviez-vous que les collections des musées français ont été mises à l’abri durant la Seconde Guerre mondiale ? Le château de Fougères-sur-Bièvre a fait partie des lieux choisis pour les protéger. Plongez dans un épisode historique aussi captivant que méconnu !

De Paris au château de Fougères-sur-Bièvre

1939. La Seconde Guerre mondiale éclate et la France se prépare à connaître un nouveau conflit d’envergure. Tandis que les soldats partent au front, la vie s’organise à l’arrière. Du côté de la Direction des musées de France, la position à adopter est claire : pas question de laisser les trésors des collections nationales sous les bombardements allemands ! Les agents conçoivent donc un vaste plan d’évacuation et de sauvegarde. Des caisses remplies d’œuvres d’art emblématiques, telles que La Joconde ou La Liberté guidant le peuple, sont acheminées depuis la capitale jusqu’au château de Chambord.

Pourquoi ici, vous demandez-vous ? Car le magnifique château du Loir-et-Cher appartient depuis 1930 à l’État. Il est donc transformé en gare de triage, sous la direction de Pierre Schommer, secrétaire de la Réunion des Musées nationaux. Tableaux et sculptures sont ensuite répartis dans onze lieux aménagés pour les accueillir. Le château de Montal en fait partie, tout comme celui de Fougères-sur-Bièvre !

Arrêtons-nous un instant sur l’histoire de ce dernier en ce début de XXe siècle. En ruine, il est racheté par l’État en 1932, qui y entreprend de grands travaux. C’est donc un édifice restauré qui s’apprête à accueillir les objets d’art des musées nationaux. Et si, jusque-là, son emplacement n’a jamais été stratégique d’un point de vue militaire, il le devient au cours de l’Occupation. En effet, Fougères-sur-Bièvre se trouve en zone libre, non loin de la fameuse ligne de démarcation. Éloignée des principaux axes routiers et des grandes villes, la forteresse de Pierre de Refuge est un abri parfait !

Vieux château médiéval
L’apparence du château pendant la seconde guerre mondiale depuis la route

© Reproduction Patrick Cadet / Centre des monuments nationaux

Des trésors inestimables

Dès décembre 1939, le château de Fougère-sur-Bièvre reçoit les premiers convois. André Girodie, conservateur du musée de Blérancourt, prend la tête des opérations. Au total, 628 caisses sont livrées en provenance de Chambord. Ouvertes, elles font ensuite l’objet d’un inventaire minutieux et chaque œuvre est inspectée par crainte d’une détérioration. Des gardiens assurent la protection des lieux jour et nuit. 

Imaginez : l’ancien château fort abrite maintenant des pièces issues du musée du Louvre, mais aussi du musée Rodin ou du musée Clémenceau. D’autres arrivent également du nord de la France, avec le musée de Blérancourt et celui du Vieux-Coucy, dans l’Aisne. En 1943, de nouveaux dépôts arrivent d’Amiens et de la Somme. Suivent ceux de la Manche et de l’Ille-et-Vilaine, avec les précieux vitraux des cathédrales de Coutances et de Dol-de-Bretagne. L’édifice prend l’allure d’un musée des musées !

Jetons un œil à l’une des plus prestigieuses invitées du château : la célèbre Dame à la licorne ! Conservée au musée de Cluny, cette tenture du XVIe siècle est amenée à Fougères-sur-Bièvre en 1939, ses six tapisseries enroulées dans une longue caisse. Seulement, celles-ci se révèlent sensibles à l’humidité ambiante du château. C’est pourquoi, en 1941, elles sont renvoyées à Chambord. Elles reviennent finalement dans la capitale dès la fin de la guerre.

tapisserie la dame à la licorne
« Mon seul désir (La Dame à la licorne) »

© Musée de Cluny

Conservation et humidité : une relation épineuse

La Dame à la licorne n’est pas la seule œuvre d’art à devoir être déplacée pour raisons de conservation. En effet, le château de Fougères-sur-Bièvre reste un monument médiéval et l’humidité s’infiltre partout. Devinez d’ailleurs d’où vient son nom ? Du petit cours d’eau sur lequel il a été construit !

Les chutes de température et le ruissellement sur les murs donnent du fil à retordre aux restaurateurs présents sur place. Ceux-ci doivent protéger les œuvres en prévenant l’apparition de moisissures, l’écaillement des peintures, les fissures dans le bois et la condensation !

Heureusement, la majorité des œuvres vivent bien leur séjour en Touraine. Et une fois la guerre terminée, chacune a retrouvé son emplacement d’origine. Reste aujourd’hui de leur passage une exposition permanente au sein du château, intitulée L’Art aux abris. Et si vous alliez la découvrir ?

Château de Fougères-sur-Bièvre depuis les communs au coucher du soleil
Des œuvres bien gardées dans un château aux allures de forteresse

© Léonard de Serres / Centre des monuments nationaux

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