History

article | Reading time7 min

Histoire du monument

Au cœur du Val de Loire, le château de Fougères-sur-Bièvre étonne par son architecture singulière, trait d’union entre le Moyen Âge et la Renaissance. Parcourons ensemble l’histoire fascinante de cet édifice élégant et rustique, demeure de Pierre de Refuge, trésorier de Louis XI…

Le château de Fougères-sur-Bièvre, entre médiéval et Renaissance

Vrai ou faux château fort ?

À l’époque de la guerre de Cent Ans, la seigneurie de Fougères appartient à une famille bourgeoise de Blois, les Faverois. En 1438, elle est transmise par mariage à Jean de Refuge, maître des requêtes de l’hôtel du duc Charles d’Orléans. Celui-ci la lègue ensuite à son fils, Pierre de Refuge, qui ambitionne d’y faire construire un véritable château entouré de douves.

Arrêtons-nous un instant sur le parcours de ce dernier. D’abord au service de Charles d’Orléans, comme son père, Pierre de Refuge devient conseiller du roi Charles VII dans les années 1450. En 1469, Louis XI le nomme général des finances, c’est-à-dire trésorier. Pour lui, c’est la consécration !

L’année suivante, en 1470, Louis XI lui accorde le droit de faire bâtir une demeure fortifiée sur ses terres. Cette autorisation vient donc récompenser une carrière exemplaire au service de la couronne. Le futur châtelain de Fougères-sur-Bièvre lance les travaux de ce qui va devenir une authentique forteresse. Pont-levis, mâchicoulis, tours de guet, archères canonnières, donjon : c’est le château fort idéal !

Pourtant, cette façade défensive a de quoi étonner. En effet, l’édifice est situé sur un territoire très plat, qui ne présente pas d’intérêt stratégique majeur. De plus, certaines installations, comme les archères canonnières, sont déjà considérées comme obsolètes à l’époque de sa construction. Oui, mais voilà : pour Pierre de Refuge, cette demeure est d’abord l’occasion d’afficher sa puissance et son statut social. Et puis, ne trembleriez-vous pas devant une telle architecture militaire ?

Entrée d’un château du moyen-âge
Entrée du château avec sa lourde porte

© Léonard de Serres / Centre des monuments nationaux

Une résidence seigneuriale du XVᵉ siècle

En réalité, le château de Fougères-sur-Bièvre est avant tout conçu comme un lieu de vie confortable. Vous vous demandez à quoi ressemble le confort au XVe siècle ? Prenons la tour maîtresse, par exemple : chacun des logis est doté de latrines comportant une assise en bois, avec conduit et fosse. Cette installation, rare pour l’époque, témoigne d’une hygiène de grande qualité !

Ses étages résidentiels sont chacun équipé d’une cheminée aux moulures raffinées, qui permet de réchauffer la pièce. Ils abritent également des fenêtres à coussièges   pour profiter de la lumière extérieure. Vastes, leurs salles servent de chambres à parement, où le seigneur reçoit des visites et tient audience.

Découvrez également la cour d’honneur et ses magnifiques décors sculptés.

En 1510, le domaine passe au neveu de Pierre de Refuge, Jean de Villebresme. Il en achève la construction, s’éloignant de l’architecture gothique initiale pour adopter le style Renaissance. Il fait édifier une chapelle en 1520, puis une galerie à arcades reliant celle-ci à la tour maîtresse. Avec son portique, cette galerie couverte ressemble beaucoup à celle du château de Blois, qui inspira également celle du château de Talcy.

Retrouvez plus d’informations sur les remarquables charpentes du château.

Cour d’honneur d’un château médiéval
La cour d’honneur du château avec sa galerie à arcades

© Léonard de Serres / Centre des monuments nationaux

La transformation du château en atelier de filature

Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, le logis de Fougères-sur-Bièvre perd progressivement de son intérêt aux yeux de ses propriétaires successifs. Lorsque survient la Révolution française, il n’est plus qu’un vieux bâtiment, entretenu par les fermiers du domaine. Néanmoins, il est racheté en 1789 par René Lambot, deuxième du nom. Issu d’une famille reconnue dans l’ingénierie hydraulique et conseiller secrétaire du roi Louis XVI, celui-ci l’ajoute au domaine voisin du château de Boissay, déjà en sa possession.

En 1812, son héritier, également baptisé René Lambot, transforme le château en atelier de filature où l’on fabrique des tissus et des étoffes de laine. La chapelle est entièrement réaménagée, avec l’installation d’une roue à aubes munie d’une turbine hydraulique. Pour l’actionner, le cours de la Bièvre est détourné et canalisé dans l’ancien fossé nord-est. Une idée brillante, soufflée par deux ingénieurs, les frères Montgolfier ! Quant à la laine, elle provient des nombreux élevages de moutons établis dans les environs de Fougères.

À la fin du XIXe siècle, la production de la filature décline face à l’industrie textile florissante du nord de la France. Elle ferme définitivement ses portes en 1901, remplacée par une scierie en 1903. Cependant, celle-ci ne tarde pas à faire faillite à son tour, en 1911. Désormais, les bâtiments ne servent plus que de logements pour des familles d’ouvriers.

Galerie à arcade château moyen-âge
La galerie à arcades édifiée par Jean de Villebrême

© Léonard de Serres / Centre des monuments nationaux

D’importants travaux de restauration

Alors qu’il commence à se dégrader, le château de Fougères-sur-Bièvre est classé monument historique en 1912. Il est finalement acquis par l’État en 1932, ce qui permet de lancer d’importants travaux de restauration. Les archères canonnières sont reconstituées, le mur d’entrée de la chapelle est rétabli et les cheminées du corps de salles sont refaites.

Un des plus grands défis de ce chantier concerne la toiture, alors en très mauvais état. Pour cela, six ouvriers travaillent pendant deux ans et demi, entre 1933 et 1935, pour couvrir ses 4 500 mètres carrés ! Le tout avec des matériaux locaux et un savoir-faire ancestral. Le résultat est stupéfiant !

Saviez-vous que le château a joué un rôle important au cours de la Seconde Guerre mondiale ? La célèbre Dame à la licorne, quelques sculptures de Rodin et les vitraux de la cathédrale de Chartres y ont notamment été mis à l’abri durant le conflit !

Aujourd’hui, le château de Fougères-sur-Bièvre est sous la gestion du Centre des monuments nationaux. Majestueux et passionnant, il n’attend plus que vous !

Archère à canon château moyen-âge
Une archère canonnière à visée défensive

© Léonard de Serres / Centre des monuments nationaux

also to discover